Les infections postopératoire des plaies (infections du site opératoire, ISO) apparaissent chez 0,8 à 29 % des petits animaux, selon le type d'intervention chirurgicale. Le développement de souches de bactéries multirésistantes rend le traitement de ces infections bien plus complexe. Il faut noter à ce propos que le fait d'utiliser des antibiotiques pendant la phase périopératoire sans faire preuve de sens critique déclenche l'apparition d'agents infectieux résistants et peut même augmenter le taux d'infection.
Quatre facteurs influencent l'apparition d'infections postopératoires : l'étendue de la contamination de la plaie, la durée de l'exposition, les prédispositions de l'hôte (patient) et la présence de microorganismes très virulents.
La classification des contaminations de plaies est bien connue et se trouve facilement dans la littérature sur la chirurgie vétérinaire. Elle permet d'évaluer les risques d'ISO en les répartissant par catégories. En moyenne, les infections postopératoires des plaies se produisent dans près de 5 % des interventions.
Tableau 1. Classification de la contamination des plaies lors des interventions chirurgicales1
Type de plaie | Description | Exemples | Risques d'infection |
Propre |
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2,5 - 6 % |
Propre-contaminée |
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2,5 - 9,5 % |
Contaminée |
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avec contamination abdominale manifeste
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5,5 - 28 % |
Sale / infectée |
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18 - 25 % |
1Source : Danish Small animal veterinary association (SvHKS), Antibiotic use guidelines for companion animal practice, 2009
La durée de l'opération a un impact important sur l'apparition d'ISO lors des interventions orthopédiques et de chirurgie des tissus mous.
Il faudrait en outre noter qu'une anesthésie de longue durée augmente également le risque d'infection (en règle générale, chaque heure double le risque ou chaque minute augmente le risque de 2 % pour cette intervention). Il s'agit effectivement du seul facteur de risque régulièrement associé à un taux élevé d'ISO dans diverses études. L'anesthésie a un impact important sur le système immunitaire, raison pour laquelle il faudrait éviter autant que possible les anesthésies de longue durée. Des procédures efficaces et la planification séparée du diagnostic et de l'opération peuvent contribuer à influencer ce facteur de manière significative.
Divers facteurs prédisposants à l'apparition d'ISO chez les patients ont été décrits.
La société américaine des anesthésiologistes (American Society of Anesthesiologists - ASA) a développé un schéma de classification des patients, prévu à l'origine pour évaluer l'état des patients avant l'anesthésie et leurs risques de complications cardio-pulmonaires pendant les phases périopératoire et postopératoire. Par la suite, ce schéma s'est également avéré être un bon indicateur pour les ISO chez l'homme et peut donc également être extrapolé aux animaux de compagnie.
Tableau 2. Classification des patients selon l'American Society of Anesthesiologists (ASA)
Classe ASA | Description | Exemples |
1 | Patient sans maladie préexistante | Castrations d’animaux mâles/femelles, hernies simples, luxations patellaires, ruptures des ligaments croisés |
2 | Maladies focales et systémiques légères (patient sans fièvre qui semble bien se porter) | Malformations, diabète stable, tumeurs cutanées, traumatismes sans état de choc, infections modérées sans fièvre |
3 | Maladies systémiques graves (patient avec fièvre, manifestement malade) | Fièvre, anémie, diabète instable et cétoacidose, souffle cardiaque, traumatisme avec état de choc, pneumonie |
4 | Maladies systémiques mettant en danger la vie du patient | Traumatisme grave avec état de choc, insuffisance cardiaque, hépatique ou rénale |
5 | Patient moribond, qui ne survivra probablement pas plus de 24 heures sans chirurgie | Polytraumatisme, défaillance multiorganique, cancer en phase terminale, torsion de l’estomac |
Il n'est pas possible d'éviter complètement les ISO, mais en appliquant certaines mesures et règles de manière systématique, il est possible de prévenir la plupart de ces infections.
Une hygiène irréprochable au sein de l'infrastructure vétérinaire est indispensable. Une bonne hygiène commence par la disposition des locaux, l'utilisation prévue, et s'étend à la désinfection du matériel, à l'hygiène du personnel, ainsi qu'au stockage et à la manipulation des médicaments.
Exemples :
● | Salles d'opération : correctement ventilées ; séparation entre la salle d'opération et les zones sales (év. par un sas) ; pas de détartrages ou autres activités générant des contaminations à proximité ; en cas de recours à la climatisation, utiliser un flux laminaire et une ventilation en surpression dans la salle d'opération pendant les interventions, faute de quoi il convient de renoncer à la climatisation. |
● | Médicaments : injectables parfaitement stériles (par ex. propofol) ; manipulation stérile des cathéters et du matériel de perfusion. |
● | Personnel : hygiène générale ; ongles propres et courts (2 mm de long au maximum) ; pas de bijoux aux mains ou aux avant-bras ; le moins de personnes possible en salle d'opération ; mise en œuvre des bonnes pratiques de désinfection chirurgicale des mains (savon, puis solution alcoolisée, éviter les brosses) ; habits réservés à l'utilisation pendant les opérations (vêtements chirurgicaux) ; port obligatoire du masque et de la coiffe en salle d'opération ; recours à une check-list. |
Une procédure bien rodée de l'équipe chirurgicale, concernant la qualité et la vitesse de l'intervention, est décisive pour minimiser les risques opératoires ; là aussi, le recours à une check-list est également très utile.
Exemples :
● | Préparation du patient : traiter systématiquement toute infection de la peau avant l'intervention (en particulier lorsqu'elle se trouve à proximité du site d'opération) ; rasage juste avant l'intervention, en veillant à ce que la peau reste intacte et en évitant les blessures. Dans ce contexte, l'intégrité de la peau est plus importante que l'élimination des quelques poils restants. Nettoyage et désinfection du patient. |
● | Durée de l'opération : une bonne coordination et une bonne formation de l'équipe chirurgicale permet de réduire la durée de l'opération et donc également le risque de problèmes d'asepsie. |
● | Technique opératoire : le respect des principes de Halsted (travail atraumatique, préservation de la circulation sanguine, bonne hémostase, asepsie stricte, éviter les espaces morts, apposition soigneuse des tissus, fermeture sans tension) est très important pour éviter les retards de cicatrisation et réduire à un minimum les risques d'ISO. |
● | Ne recourir aux drainages que dans les cas où ils sont indiqués. S'il faut poser des drains, ces derniers doivent être en tout temps recouverts et manipulés de manière stérile. Les drainages actifs, lorsqu'ils sont utiles et possibles, devraient être préférés aux drainages passifs. |
● | Matériel chirurgical : réduire au strict nécessaire le nombre d'implants et le matériel de suture, privilégier dans la mesure du possible le matériel de suture monofilament résorbable au matériel multifilament non résorbable. |
Il est important d'identifier les patients à risque d'ISO. La classification de l'ASA se prête parfaitement à cette identification.
On sait que les patients traités avec des fluoroquinolones et hospitalisés au moins 4 jours avant l'intervention présentent un risque accru d'être affectés par des souches d'E. coli multirésistantes susceptibles de provoquer des ISO.
L'administration d'antibiotiques durant la phase périopératoire doit être évaluée au cas par cas et pour chaque intervention chirurgicale, sur la base des informations disponibles concernant l'état du patient et les conditions d'intervention.
Outre le choix de la substance, le moment auquel les antibiotiques sont administrés est important. Le traitement antibiotique durant la phase périopératoire doit être administré par voie intraveineuse dans les 30 à 60 minutes précédant l'incision de la peau. Un risque accru d'infection a même été démontré lorsque les antibiotiques ne sont administrés qu'après l'incision de la peau.
Tableau 3. Administration d'antibiotiques durant la phase périopératoire en fonction de l'intervention chirurgicale et de l'état du patient
Traitement | Modalités | Conditions |
Pas d’antibiotiques |
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Interventions propres ou propres-contaminées (par ex. castration, ablation des tumeurs cutanées, splénectomie, entérotomie sans complications, hémilaminectomie/interventions neurologiques sans implants) :
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Antibiotiques administrés durant la phase périopératoire |
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Interventions propres ou propres-contaminées avec les facteurs de risque suivants :
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Prophylaxie élargie (durant la phase périopératoire plus 24 heures après l’opération) ou traitement antibiotique |
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Interventions sales/infectées, fortement contaminées :
Les contaminations (par ex. rupture d’asepsie pendant les opérations de l’intestin, en cas de cystotomie avec bactériurie) sont des indications pour une prophylaxie élargie. |
Le tableau suivant donne une recommandation pour le choix de l'antibiotique à utiliser pendant la phase périopératoire, au cas où ce traitement est indiqué selon le tableau 3.
Traitement antibiotique durant la phase périopératoire uniquement si l'indication est donnée selon le tableau 3 (voir ci-dessus). Recommandations selon le type d'intervention | |||
Nota bene | L'administration d'antibiotiques durant la phase périopératoire lors d'interventions propres ou propres-contaminées n'est indiquée qu'en présence des facteurs de risque mentionnés dans le tableau 3. En cas d'interventions fortement contaminées ou sales/infectées, une prophylaxie étendue est recommandée (voir tableau 3). |
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Antibiotiques | Dosage | Durée du traitement | Remarques |
Interventions cutanées, orthopédiques et neurologiques | Agents pathogènes probables : Staphylococcus spp. et Pasteurella spp. | ||
Céfazoline | 22 mg/kg, iv. | 30 - 60 min. avant l'opération puis toutes les 90 min. pendant l'intervention | |
Amoxicilline / acide clavulanique | 20 mg/kg, iv. | ||
Ampicilline / sulbactamea | 30 mg/kg, iv. | ||
Tractus gastro-intestinal ou urogénital | Agents pathogènes probables : E. coli, entérocoques et autres anaérobies | ||
Amoxicilline / acide clavulanique | 20 mg/kg, iv. | 30 - 60 min. avant l'opération, puis toutes les 90 min. pendant l'intervention | |
Ampicilline / sulbactamea | 30 mg/kg, iv. | ||
Traitement antibiotique après l'opération | |||
Nota bene | L'administration d'antibiotiques après l'opération pour prévenir une infection n'est pas nécessaire après les interventions chirurgicales de routine. Un traitement antibiotique à titre thérapeutique ne s'impose qu'en cas de suspicion d'infection postopératoire ou chez les patients opérés en raison d'une infection existante qui persiste après l'opération (par ex. plaie avec infection systémique, péritonite septique). |
a | Parfois utilisé par voie intraveineuse à la place de l'amoxicilline-acide clavulanique chez le chien (voir chapitre 1.12.1, Effets indésirables des médicaments après l'administration d'amoxicilline + acide clavulanique par voie intraveineuse). Les deux préparations se distinguent principalement par leur pharmacocinétique, le spectre d'action étant presque identique pour l'amoxicilline et l'ampicilline. Pour l'acide clavulanique et le sulbactame, le spectre d'action peut toutefois varier avec différentes bêta-lactamases. |