● | Système cardiovasculaire : dysfonctionnement du myocarde avec diminution du débit cardiaque, perte du tonus vasomoteur des vaisseaux et hypotension. |
● | Système respiratoire : accumulation de liquide riche en protéines dans les alvéoles avec infiltration de cellules de l'inflammation, suivie d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) et d'une diminution de l'échange d'O2. |
● | Reins : insuffisance rénale aiguë due à une ischémie/des lésions de reperfusion et ou à l'activation de macrophages/neutrophiles, à une altération du métabolisme du NO, à une hypoxie cytopathique et à une apoptose rénale. |
● | Tractus gastro-intestinal (GI) : se manifeste par un iléus, des vomissements/diarrhées, des ulcérations gastro-intestinales, une mauvaise tolérance à l'alimentation entérale. |
● | Système hépatobiliaire (foie = organe de choc du chien) : se manifeste par une hypoalbuminémie, une coagulopathie, une hypoglycémie, un ictère/une cholestase, un syndrome d'encéphalopathie hépatique. |
● | Microcirculation : ischémie tissulaire due à une diminution de la diffusion (augmentation de la perméabilité vasculaire, œdème tissulaire) et à une diminution de l'afflux en O2 (diminution du nombre de capillaires perfusés). |
La base du traitement consiste à maintenir la perfusion, à maîtriser le foyer septique et à prodiguer un traitement de soutien. Le maintien de l'oxygénation de tous les organes en assurant une perfusion adéquate est l'objectif principal du traitement (voir mesures d'accompagnement).
De nombreuses études de médecine humaine ont montré qu'un traitement antibiotique précoce et efficace était un facteur déterminant pour la survie des patients atteints de sepsis. Dans une étude menée chez des patients en état de choc septique, chaque heure de retard dans l'administration d'un traitement antibiotique efficace a entraîné une augmentation de la mortalité de 7,6 %.
Chez les patients souffrant de sepsis mais pas de choc septique, ce lien est moins bien documenté, mais on présume que la mortalité est plus élevée si un traitement antibiotique adéquat n'est pas débuté dans les 3 à 5 heures suivant le diagnostic de sepsis.
Les directives de médecine humaine relatives au sepsis (Surviving Sepsis Guidelines) recommandent une approche différenciée. Pour décider de l'urgence et de la nécessité d'un traitement antibiotique, il faut toujours prendre en compte, outre la probabilité de la présence d'une infection, la gravité de la maladie du patient. Chez les patients qui présentent une forte probabilité de sepsis ou de choc septique, le traitement antibiotique doit être débuté le plus tôt possible, mais assurément dans la première heure suivant la détection.
Au cours de la phase initiale du traitement du patient septique, lorsque l'on ne connaît pas les agents responsables de la maladie et leur sensibilité aux antibiotiques, il convient de couvrir un large spectre d'agents responsables possibles. Pour décider de l'antibiotique ou de la combinaison d'antibiotiques à choisir à cet effet, il faudrait se baser sur le spectre connu des espèces bactériennes pour la source d'infection en question (par ex. perforation de l'intestin grêle vs. urosepsis vs. pneumonie d'aspiration vs. méningite bactérienne). D'autres facteurs importants à prendre en compte pour le premier choix empirique d'un antibiotique sont la résistance locale de l'espèce bactérienne présumée dans la région/l'institution et les facteurs de risque spécifiques au patient quant à la présence de germes résistants (notamment un traitement antibiotique au cours des trois derniers mois, une colonisation connue par des germes résistants aux antibiotiques ou une hospitalisation récente).
Les principales bactéries/espèces bactériennes citées dans la littérature associées aux différentes causes de septicémie chez les petits animaux sont les suivantes :
- | Urosepsis : Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Staphylococcus pseudintermedius, Pseudomonas aeruginosa, Enterococcus faecalis. |
- | Péritonite septique : Escherichia coli, Enterococcus spp., Clostridium spp., Streptococcus spp. |
- | Infections nécrosantes des tissus mous : streptocoques β-hémolysants, Escherichia coli, groupe Staphylococcus intermedius. |
- | Pneumonie d'aspiration : Escherichia coli, Streptococcus spp., Klebsiella pneumoniae, Acinetobacter spp. |
- | Cholangiohépatite : Escherichia coli, Salmonella enterica, Klebsiella spp., Enterobacter spp., Streptococcus spp. |
- | Méningite bactérienne : Staphylococcus spp., Pasteurella spp., Actinomyces spp., Nocardia spp., Bacteroides spp. |
Dans la phase suivante, ciblée, du traitement, le choix empirique de l'antibiotique est adapté en fonction des résultats de la culture bactérienne et de l'antibiogramme. La réponse clinique au traitement doit toutefois être prise en compte lorsqu'un changement d'antibiotique est envisagé. Il faudrait passer d'un large spectre à un spectre aussi étroit que possible et stopper l'administration des antibiotiques qui n'ont pas été identifiés comme efficaces ou nécessaires (désescalade). Lorsque c'est possible, il est particulièrement important de procéder à la désescalade vers une monothérapie, car les traitements combinés inutiles peuvent augmenter le risque de développement de résistances aux antibiotiques à large spectre.
Si la suspicion clinique initiale de sepsis n'est pas confirmée au cours du traitement et que d'autres causes de la maladie sont diagnostiquées (par ex. néoplasie, infection parasitaire, maladie inflammatoire stérile), le traitement antibiotique devrait être stoppé immédiatement.
Afin d'exercer un effet bactéricide maximal sur les bactéries pathogènes et de réprimer la sélection de résistances aux antibiotiques, il est essentiel d'atteindre la concentration optimale de principe actif de l'antibiotique dès la première dose. Des concentrations initiales sous-optimales de principe actif peuvent induire en quelques heures une activation des mécanismes de résistance bactérienne (par ex. pompes d'efflux) et sélectionner des sous-populations de bactéries partiellement résistantes, qui peuvent à leur tour développer d'autres résistances. Ce processus est particulièrement probable au début de l'infection, car c'est à ce moment-là que le nombre de bactéries est le plus élevé sur le site de l'infection.
En cas de sepsis, le traitement antibiotique doit être administré exclusivement par voie intraveineuse, car l'absorption gastro-intestinale et sous-cutanée des médicaments n'est pas fiable chez les patients septiques. Chez les patients atteints de sepsis, des concentrations plasmatiques très variables et souvent sous-optimales de principes actifs ont été observées après l'administration de doses standard de divers antibiotiques. Cela est dû aux différences pharmacocinétiques marquées chez ces patients par rapport aux individus en bonne santé. L'extravasation de liquides et de protéines à travers des membranes capillaires plus perméables et l'expansion de l'espace extracellulaire augmentent considérablement le volume de distribution des médicaments hydrosolubles. Par exemple, le volume de distribution des aminoglycosides hydrosolubles et des antibiotiques bêta-lactame peut plus que doubler chez les patients septiques par rapport aux individus en bonne santé. Le sepsis affecte également l'élimination des médicaments. Les patients septiques présentent souvent une augmentation du débit cardiaque, une augmentation du débit sanguin rénal et donc une augmentation du taux de filtration glomérulaire. Le phénomène qui en résulte, à savoir une augmentation de la clairance des antibiotiques éliminés par voie rénale, a été mis en évidence chez jusqu'à 50 % des patients humains hospitalisés en soins intensifs. D'autre part, le sepsis est une cause connue d'insuffisance rénale aiguë et de réduction de l'élimination rénale des médicaments qui en découle. Par conséquent, les directives de médecine humaine relatives au sepsis recommandent d'optimiser le dosage des antibiotiques en l'adaptant à la fonction rénale du patient.
Deux facteurs doivent être pris en compte dans la stratégie de dosage et d'administration d'un antibiotique dans le cadre d'un sepsis : les propriétés spécifiques au médicament qui sont nécessaires pour obtenir un effet bactéricide (notamment celles qui sont temps-dépendantes vs concentration-dépendantes) et les propriétés pharmacocinétiques spécifiques du médicament.
Pour les antibiotiques temps-dépendants, le schéma de dosage devrait être choisi de manière à ce que la concentration plasmatique du principe actif soit supérieure à la concentration minimale inhibitrice (CMI) de la bactérie pendant une période la plus longue possible. Chez les patients septiques, il est recommandé d'atteindre des concentrations plasmatiques nettement plus élevées que les concentrations habituelles. Pour les antibiotiques bêta-lactame, il est recommandé d'atteindre une concentration plasmatique au moins 4 à 8 fois supérieure à la CMI pendant 100 % de l'intervalle entre les doses. En revanche, pour les antibiotiques concentration-dépendants, la concentration plasmatique maximale est le facteur limitant pour obtenir un effet bactéricide et de répression de la résistance.
Les antibiotiques bêta-lactame sont des antibiotiques hydrophiles, temps-dépendants, qui sont principalement éliminés par voie rénale. Afin de tenir compte de leur volume de distribution accru en cas de sepsis, la dose initiale devrait être jusqu'à deux fois plus élevée que la dose standard, selon une directive de médecine humaine. Il est ensuite recommandé de mettre l'animal sous perfusion continue. On a constaté que pour les antibiotiques bêta-lactame, une durée d'administration intraveineuse plus longue (par exemple, 3 à 4 heures au lieu des 15 minutes habituelles) ou en goutte-à-goutte permet d'atteindre des concentrations de principe actif plus élevées dans le plasma et le tissu cible que l'administration conventionnelle en bolus intraveineux. Chez les patients septiques dont la fonction rénale est intacte, on peut supposer que l'excrétion rénale des antibiotiques bêta-lactame est plus élevée et qu'il faudrait donc administrer une dose journalière totale plus élevée jusqu'à ce que l'état clinique du patient s'améliore. En cas de diminution de l'excrétion rénale due à une atteinte rénale aiguë, la dose journalière totale devrait en revanche être réduite tout en maintenant la fréquence d'administration.
Le schéma de dosage suivant peut être utilisé pour l'administration d'ampicilline-sulbactame chez les chiens ou les chats atteints de sepsis et dont la fonction rénale est intacte : dose de charge initiale de 50 mg/kg sous forme de bolus i.v., suivie d'un goutte-à-goutte (6 mg/kg/h) jusqu'à ce que l'état du patient s'améliore.
Les aminoglycosides sont des antibiotiques hydrophiles, concentration-dépendants qui sont éliminés par les reins. Compte tenu de leur volume de distribution accru chez les patients atteints de sepsis, des doses plus élevées sont recommandées. L'administration d'une dose élevée une fois par jour et la limitation à une courte durée de traitement (5 jours maximum) permettent de maximiser l'effet tout en minimisant l'effet néphrotoxique. En raison de leur faible marge thérapeutique, il est recommandé en médecine humaine de procéder à une mesure régulière de la concentration du principe actif lors de l'administration d'aminoglycosides chez des patients en état critique. Si ce n'est pas possible, une dose de 15 mg/kg toutes les 24 heures peut être utilisée comme valeur indicative pour l'amikacine chez les chiens et les chats septiques dont la fonction rénale est intacte. En raison de leur néphrotoxicité, les aminoglycosides ne doivent pas être utilisés chez les animaux dont la fonction rénale est réduite.
Les fluoroquinolones sont des médicaments lipophiles, concentration-dépendants qui sont éliminés par les reins et le foie. Étant donné que leur volume de distribution ne change pas de manière significative en cas de sepsis, une dose de charge n'est pas utile. Comme on sait que l'effet bactéricide et l'effet de suppression de la résistance dépendent de la concentration, il faudrait utiliser des doses élevées. Les valeurs indicatives pour le traitement des chiens et chats septiques sont les suivantes : marbofloxacine 5 mg/kg, 1 × par jour chez le chien et le chat ; enrofloxacine chez le chien : 20 mg/kg,1 × par jour. L'enrofloxacine ne devrait pas être utilisée chez les chats atteints de sepsis, car des doses supérieures à 5 mg/kg/j sont associées à une toxicité rétinienne (cécité).
Pour être efficaces, les stratégies d'optimisation de l'efficacité des antibiotiques utilisés doivent être continuellement adaptées aux caractéristiques individuelles du patient. Alors qu'au début du traitement, les modifications pharmacocinétiques décrites et le nombre élevé de bactéries sur le site d'infection justifient des doses plus élevées ou des intervalles d'administration plus courts, une désescalade de la stratégie de dosage après une réponse au traitement et une amélioration de l'état clinique permet de réduire le risque d'accumulation et de toxicité des médicaments.
Traditionnellement, les patients atteints d'infections étaient traités avec des antibiotiques jusqu'à la disparition des symptômes cliniques. Ces dernières années, des études menées sur différentes infections aiguës chez l'homme (pneumonie, bactériémie, infections intra-abdominales, infections des voies urinaires) ont toutefois montré qu'une durée de traitement plus courte permettait d'obtenir le même succès thérapeutique que les protocoles recourant à des durées de traitement plus longues. Par exemple, l'étude STOP-IT a démontré que chez les patients présentant des infections intra-abdominales avec complications (c'est-à-dire avec perforation d'organes abdominaux), et dont le foyer septique était maîtrisé de manière adéquate, un traitement antibiotique de 4 jours était aussi efficace que le traitement traditionnel administré jusqu'à 2 jours après la disparition de la fièvre, de la leucocytose et de l'iléus (médiane de 8 jours dans cette étude). Des études comparables font encore défaut pour les patients atteints de sepsis.
En outre, s'agissant de la durée du traitement, il faut tenir compte du fait que les traitements antibiotiques inutiles sont liés à de nombreux effets négatifs, le plus connu étant la sélection de résistances aux antibiotiques. Une étude a par exemple montré que chaque jour supplémentaire d'administration d'un antibiotique bêta-lactame efficace contre les Pseudomonas chez des patients souffrant de sepsis ou de choc septique augmentait de 4 % le risque d'apparition d'une nouvelle résistance. Si la menace globale que représente la résistance aux antibiotiques est désormais largement reconnue, il est essentiel de comprendre que les antibiotiques peuvent également nuire directement aux patients auxquels ils sont administrés et entraîner une augmentation de la mortalité. Cela est dû notamment aux effets indésirables des médicaments et à l'apparition de surinfections par des bactéries multirésistantes chez les patients traités. En outre, les traitements antibiotiques entraînent des perturbations parfois durables du microbiome des patients, ce qui a été associé à des modifications de la réponse immunitaire et au développement de maladies immunitaires. De plus, des études expérimentales indiquent que les antibiotiques peuvent entraîner des dysfonctionnements d'organes en raison d'effets directs sur les mitochondries et d'un impact sur le microbiome.
En l'absence de données basées sur des preuves quant à la durée optimale du traitement des patients atteints de sepsis, les directives actuelles en médecine humaine recommandent de manière générale de privilégier des durées de traitement plus courtes plutôt que plus longues, à condition que la source de l'infection ait pu être maîtrisée, sans préciser la durée exacte du traitement. Plusieurs aspects devraient être pris en compte à cet égard : l'immunocompétence du patient, le site d'infection, la maîtrise du foyer septique, les caractéristiques de l'agent pathogène et la classe d'antibiotiques utilisée. Plutôt que d'utiliser une durée de traitement prédéfinie, il convient de réévaluer quotidiennement si le patient concerné a besoin d'être traité avec des antibiotiques.
L'objectif principal du traitement de soutien est de supprimer le choc circulatoire (hypovolémique et/ou distributif). Un traitement ciblé par apport liquidien et une surveillance étroite de l'animal sont des mesures essentielles. Lors du choix du type de perfusion et de la quantité à administrer, différents facteurs doivent être pris en compte, notamment l'augmentation de la perméabilité vasculaire et la faible pression oncotique, les pertes de liquide, par ex. en cas de péritonite ou de diarrhée, le statut de coagulation ainsi que l'altération de la fonction pulmonaire et rénale. Les cristalloïdes isotoniques sont en principe la solution de perfusion de premier choix. L'utilisation de colloïdes synthétiques (par ex. hydroxyéthylamidon) est contre-indiquée chez les personnes souffrant de sepsis et controversée chez les petits animaux car elle peut entraîner des lésions rénales aiguës. Certains auteurs le mentionnent à petites doses comme solution de transition possible à court terme. Chez les petits animaux, une alternative plus sûre est le plasma autologue fraîchement congelé ou le plasma pauvre en cryogène sous forme de colloïde naturel. L'utilisation d'albumine humaine est également controversée. Un soutien cardiovasculaire avec des vasopresseurs (noradrénaline) et/ou des médicaments inotropes positifs (dobutamine) est indiqué chez les patients euvolémiques mais hypotendus (choc septique).
Outre la maîtrise du foyer septique et un traitement par apport liquidien ciblé, il convient de traiter les éventuelles maladies sous-jacentes ou concomitantes. La supplémentation en oxygène est indiquée en cas d'hypoxémie (PaO2 < 80 mm Hg ou SpO2 < 0 - 92 %). On utilise souvent des bloqueurs acides (en particulier les bloqueurs de la pompe à protons).